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Sunday, February 18, 2007

Petit Conte N°3

L’importance des portes

( dans un univers confiné, restreint et étranger)

Cela faisait maintenant un moi qu’ H. était arrivé dans ce nouvel appartement, dans cette nouvelle ville, dans ce nouveau pays. Il avait décidé, il y a 2 mois maintenant, de fuir ses démons, laissant derrière lui les empreintes de mauvais souvenirs. Son avion avait atterri un jour d’orage, le ciel était orange et noir, la pluie malmenait la carcasse du vol 9380 et les éclairs déchiraient la quiétude de la boîte à sardine ailée. Il pensait que c’était un signe qui lui annonçait une arrivée fracassante dans ce nouveau monde. Déjà, il se sentait mieux à l’idée de démarrer une nouvelle vie ici.

Il avait passé 10 jours à vivre dans un motel, puis finalement avait trouvé de quoi se loger dans une résidence un peu luxueuse, avec une piscine ( bien nécessaire vu les températures ici en été). A l’entrée de la résidence il y avait un vieux gardien, ancien alcoolique, qui prenait son travail comme une manière efficace de se réhabiliter, il connaissait tout sur les us et coutumes des locataires des quatre buildings de 11 étages chacun. Il avait immédiatement pris H. en affection et ne tardait pas à lui donner de bons conseils pour se faire accepter par les différents locataires.

Selon lui la meilleure façon de créer des contacts avec les autochtones était de se montrer charmant, galant et chaleureux. H. avait pris ses conseils très au sérieux, et se décidait à les appliquer dès que l’occasion se présentait. Celle ci se présenta rapidement sous la forme d’une famille qui tout comme lui était en train d’emménager dans la résidence. Chaque membre portait dans ses bras le fardeau d’une vie de shopping intensif dans une société de consommation croissante. H. se trouvait alors devant la porte d’entrée de son immeuble, il composa le code à 4 chiffres précédait d’une étoile, tirait la lourde porte en verre et laissa passer le père, la mère, la jolie adolescente, le petit garçon et ce qui devait être l’oncle toujours prêt à donner un coup de main. Chacun l’avait gratifié d’un « merci » immédiatement suivi d’un large sourire et d’yeux remplis de gratitude. H. leur sourit alors en retour, une pointe de satisfaction pouvait se lire sur son visage. Il avait réussi une entrée en matière admirable dans son nouvel espace de vie.

Il savait ce qu’il lui restait à faire, dans les semaines qui suivaient, il s’empressait dès qu’il le pouvait, d’ouvrir ou de tenir la porte tantôt à la grabataire se déplaçant difficilement, à l’homme de ménage ou à la sublime trentenaire qui rentrait de son cours de gymnastique intensive (qui lui donnait la beauté et la fraîcheur d’une fille de 17 ans). Chaque fois, il récoltait des sourires, quelques mots ou un regard de gratitude. Au bout d’un mois il avait su créer avec ses voisins des rapports sains, francs et amicaux. Mais il se sentait toujours aussi seul. Il relativisa alors l’importance des portes et se mit enfin à accepter la possibilité que quelqu’un pouvait lui tenir la porte et le laisser entrer dans son univers.

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